J'ai trouvé cette page très intéressante sur le placenta :
http://www.ssd.u-borde...fr/faf/derniere_ed/tillard.htm
Un extrait :
Citation:Après la délivrance, la sage-femme déploie les membranes et les examine ainsi que le cordon et le placenta. Ceci se passe près de la femme, car la sage-femme reste à proximité tout particulièrement tant qu'elle ne s'est pas assurée de l'intégrité du placenta. Comme nous l'avons déjà précisé, le risque de cette phase est l'hémorragie. Cependant, à cette attention méticuleuse au placenta, aux membranes et au cordon, le vocabulaire apporte un bémol. En effet, l'ensemble de ces trois éléments associés au liquide amniotique est désigné sous l'expression annexes du fœtus qui tend à donner à ces objets un aspect secondaire par rapport à l'intérêt que l'on porte à l'enfant.
Le placenta a une destinée tout à fait particulière. Si on le considère comme une pièce anatomique d'origine humaine, on pourrait imaginer qu'il suit le même chemin vers l'incinérateur dans un crématorium habilité à cette tâche par les collectivités territoriales. Si on le voit comme un " déchet d'activité de soins ", on pourrait alors s'attendre à son prétraitement par des appareils de désinfection agréés par les ministères chargés du travail, de la santé, de l'environnement et de l'industrie, après avis du Conseil supérieur d'hygiène publique de France. C'est cette deuxième voie qu'il suit actuellement.
Or, l'accouchement se déroulant en milieu hospitalier, et, pour ce qui nous concerne dans une zone urbaine d'un million d'habitants, le placenta a vu son cheminement singulièrement modifié. Pendant une époque, après la vérification de son intégrité, il était stocké dans un congélateur et partait bientôt pour entrer dans la composition de cosmétiques ou de produits pharmaceutiques. Il arrivait parfois que le service des grands brûlés ait recours au placenta pour certains cas afin de faciliter le bourgeonnement de la peau et sa cicatrisation. Ces usages renvoyaient à des représentations positives du placenta à qui notre société reconnaissait le pouvoir de protéger la peau que ce soit dans les applications quotidiennes des femmes dans un objectif esthétique ou dans l'intérêt médical pour la cicatrisation. Cette seconde utilisation a été mise en veilleuse avec la pratique des cultures cellulaires effectuées à partir de prélèvements de peau saine de la personne accidentée.
L'avènement du Sida a jeté un discrédit important sur le placenta. Le placenta est détruit en prenant des précautions particulières : il est considéré comme produit à risque, potentiellement contaminé. Il est probable que la transmission à la fois sanguine et sexuelle du virus du Sida ait infléchi la vision positive du placenta, car celui-ci est vecteur de ces deux registres : le placenta est sanguin par sa composition et son aspect extérieur, il est un des produits de la conception donc de la relation sexuelle, il chemine à travers les voies sexuelles féminines au moment de la naissance.
Nous voici à l'heure de la lutte contre les infections nosocomiales et plus particulièrement de la prévention du Sida, de l'hépatite B et de l'hépatite C. Le fait d'être ainsi mis au rang des écoulements sanguinolents d'origine féminine, potentiellement contaminés par le VIH, a conduit le placenta à emprunter les attributs péjoratifs souvent attribués au sang des règles (Verdier, 1979). Il n'y a plus de perception de la fertilité des composants du placenta, plus de rôle paternel dans son ensevelissement, plus de lien avec la recherche du nom de l'enfant (Lévi-Strauss, 1962 : 222). Le placenta semble alors être devenu un objet sanguinolent totalement inutile. Cependant, de nouveaux indices vont dans le sens de sa renaissance. La présence de cellules souches fœtales dans le placenta et le sang du cordon ombilical en fait une source possible de matière utile dans les cas de maladies nécessitant une greffe. Ainsi, des indications de greffe de tissus issus de la délivrance voient le jour dans certaines affections oculaires.
À travers ces évolutions parfois successives, parfois concomitantes de la manière de considérer les produits de la délivrance, la vision ontologique du placenta se complète de représentations médicales tantôt négatives, tantôt positives. Le placenta est considéré à la fois comme une source potentielle de contamination par un agent viral. Les connaissances scientifiques actuelles restent limitées, empêchant une prévention de type pasteurienne (Dozon, 2001 : 37) qui serait basée sur l'utilisation d'un vaccin et ne proposant qu'une prévention individuelle de type contractuelle (Dozon, 2001 : 41) qui invite chaque citoyen à se transformer en sentinelle, veillant à sa propre santé. Dans le même temps, les recherches génétiques allouent au placenta de nouvelles potentialités thérapeutiques plus proches des analogies rapportées par les données de l'ethnographie française entre produit de la délivrance et matière fertile.